Vous êtes ici


Date de mise à jour 13/05/2017

Évoquer et diagnostiquer un déficit immunitaire héréditaire

 Imprimer le PDF

 

C. Picard a, I. Pellierb

a Centre d’étude des déficits immunitaires, hôpital Necker – Enfants-Malades, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris, France
b Service d’immuno-onco-hématologie pédiatrique, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49000 Angers, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : capucine.picard@nck.aphp.fr (C. Picard).

 
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
 

Signes d’alerte

(1) Les signes d’alerte qui doivent faire évoquer et rechercher un déficit immunitaire héréditaire sont les suivants :

  • des infections récurrentes des voies respiratoires hautes et basses : plus de 8 otites /an (pendant l’automne et l’hiver) chez les moins de 4 ans ; plus de 4 otites /an (pendant l’automne et l’hiver) chez les plus de 4 ans ; plus de

  • 2 pneumonies par an ou > 2 sinusites/an ;

  • des infections sévères avec des germes de type pneumocoque, haemophilus, neisseria : un seul épisode de méningite ou sepsis se doit d’être exploré ;

  • des infections à bactéries pyogènes récurrentes (cutanée, invasive, tissulaire etc…) ;

  • des infections récurrentes avec le même type de pathogène ;

  • des infections inhabituelles et/ou d’évolution inhabituelle : infection par un germe opportuniste, diarrhée infectieuse persistante, muguet ou candidose cutanée récidivante ;

  • une cassure de la courbe staturo-pondérale, et/ou une diarrhée persistante ;

  • autres signes : eczéma, auto-immunité (par exemple, cytopénie auto-immune), inflammation chronique ou lympho-prolifération (adénopathies et hépato-splénomégalie).

  • la présence d’antécédents familiaux de déficit immunitaire ou des mêmes signes cliniques.

Arbre décisionnel – Commentaires

(2) Devant un ou des signes d’alertes le premier bilan à réaliser est une numération de la formule sanguine (NFS), un dosage pondéral des immunoglobulines (Ig) G, A et M (normes spécifiques en fonction de l’âge) et des sérologies post-vaccinales (si l’enfant a été vacciné et/ou infecté : tétanos, poliovirus, diphtérie, pneumocoque et haemophilus). Un dosage des sous-classes des IgG (1,2, 3 et 4) sera également à réaliser pour les enfants de plus de 18 mois. La NFS permet d’apprécier la formule leucocytaire, notamment de rechercher une lymphopénie (à interpréter en fonction de l’âge de l’enfant). Elle permet également de rechercher une neutropénie (à explorer) et des anomalies des lignées érythrocytaires et plaquettaires.

En cas d’infections ORL et pulmonaires à répétition (comme décrites ci-dessus dans les signes d’alertes) et d’un dosage d’IgGAM normal, il convient de faire un dosage des sous classes d’IgG (si l’enfant à plus de 18 mois) et des sérologies vaccinales :

  • (3) en cas de défaut production d’anticorps post-vaccinaux isolé, il faut revacciner l’enfant et contrôler à nouveau le taux 3 à 6 semaines après. Si le taux d’anticorps reste bas, faire un phénotypage lymphocytaire et des proliférations lymphocytaires T ;

  • (4) en cas de lymphopénie isolée, il faut contrôler la NFS quelques jours plus tard pour vérifier sa normalisation. En cas de persistance de la lymphopénie, il faut compléter le bilan par un phénotypage lymphocytaire et des proliférations lymphocytaires T ;

  • (5) en cas d’hypogammaglobulinémie et de sérologies anormales, le bilan sera complété par un phénotypage lymphocytaire (T, B et NK). Si le phénotypage est anormal, des proliférations lymphocytaires T seront réalisées :

    • si le phénotypage lymphocytaire B est anormal : les lymphocytes B sont absents de façon isolés, le diagnostic évoqué est l’agammaglobulinémie. Cette maladie est généralement liée à l’X (maladie de Bruton qui touche uniquement les garçons). Il existe également de rares formes autosomiques récessives ;

    • si les lymphocytes T et B sont normaux : des explorations supplémentaires de la population B (un phénotypage lymphocytaire B plus détaillé et des études fonctionnelles B) seront réalisées pour mieux caractériser ce déficit de l’immunité humorale. Les déficits de l’immunité humorale représentent plus de 70 % des déficits immunitaires ;

    • si le phénotypage lymphocytaire T est anormal (ainsi que les proliférations lymphocytaires T), le diagnostic de déficit immunitaire combiné (cf point suivant) est évoqué.

En cas de lymphopénie associée à une hypogammaglobulinémie et des sérologies anormales, le bilan sera complété par un phénotypage lymphocytaire (T, B et NK) et des proliférations lymphocytaires T pour rechercher des signes biologiques en faveur :

  • d’un déficit immunitaire combiné sévère (DICS), c'est-à-dire l’absence de lymphocytes T (ou la présence d’une lymphopénie T profonde) associé à un défaut de l’immunité humorale ;

  • on parle de déficit immunitaire combiné (DIC), lorsque la lymphopénie T est moins profonde avec des proliférations lymphocytaires T anormales, c'est-à-dire un défaut de l’immunité cellulaire (dépendante des lymphocytes T) associé à un défaut de l’immunité humorale (dépendante des lymphocytes B). Il existe plus de 12 maladies génétiques identifiées responsables de DICS et 20 maladies génétiques responsables de DIC qui seront recherchées en fonction du tableau clinique, de la transmission génétique du déficit et des résultats des explorations immunologiques ;

(6) En cas de normalité des examens de 1re ligne :

  • et présence d’infections invasives bactériennes (par exemple, méningites, arthrites,…), des corps de Jolly doivent être recherchés témoignant d’une asplénie ou d’une hyposplénie ; les voies classique et alterne du complément doivent également être explorées par les dosages du CH50 et de l’AP50 ;

  • (7) et présence d’infections bactérienne et/ou fongique (par exemple, abcès cutanés et/ou viscéraux, pneumopathie aspergillaire,…), faire :

    • un dosage des IgE (syndrome hyperIgE) ;

    • une étude fonctionnelle des phagocytes (étude du mouvement des granuleux = chimiotactisme et de l’explosion oxydative = NBT test) pour rechercher soit un défaut des molécules d’adhésion leucocytaire, soit une granulomatose septique chronique.

En cas de normalité de toutes ces explorations immunitaires, il ne faut cependant pas éliminer le diagnostic de déficit immunitaire, car c’est avant tout un diagnostic clinique et les explorations connues n’explorent, actuellement, qu’une partie du système immunitaire. De plus l’observation clinique attentive permet le diagnostic de nouveaux déficits immunitaires et le développement de nouvelles explorations immunitaires, comme les syndromes de susceptibilités infectieuses à type de pathogènes (syndrome de susceptibilité aux mycobactéries ou de susceptibilité aux bactéries pyogènes). En cas de suspicion de déficit immunitaire il ne faut pas hésiter à demander avis auprès d’un immmuno-pédiatre pour orienter au mieux l’exploration du patient.

Références

De Vries E.Patient-centred screening for primary immunodeficiency: a multi-stage diagnostic protocol designed for non-immunologists.Clin Exp Immunol 2006;145:204-14.

Le Deist F. Comment explorer un déficit immunitaire ?Arch Pediatr 2003;10:510s-512s.

Notarangelo L, Casanova JL, Conley ME et al.Primary immunodeficiency diseases: an update from the International Union of Immunological Societies Primary Immunodeficiency. Diseases Classification Committee Meeting in Budapest, 2005.J Allergy Clin Immunol 2006;117:883-96.

Picard C, Filipe-Santos O, Chapgier A et al. Predisposition génétique et infections de l’enfant.Arch Pediatr 2006;13:1342-6.

Siegrist CA. Infections récidivantes de l’enfant : quel dépistage immunitaire ? Arch Pediatr 2001;8:205-10.